La chambre des ténèbres

Laorinn, Rubyssa et Balvah ne se dirigèrent bien évidemment pas vers le placard à balais… Un détour par la chambre s’imposait, au moins pour revêtir une armure et quelques lames bien tranchantes. Il s’agissait tout de même d’huiler des gonds au nez et à la barbe d’un dragon vraiment affamé, quoique franchement décérébré.

Une fois dans leur tanière, les serviteurs d’Erebia se munirent tous de leur armement favori, et se préparèrent psychologiquement à aller affronter la bête.

-          Vous savez quoi ? dit Rubyssa pour détendre l’athmosphère. La nuit dernière, j’ai rêvé que je prenais une douche avec de l’eau argentée qui sentait le chèvrefeuille et la rose. Et il y avait des fontaines étincelantes partout, et des grands jets qui s’élevaient jusqu’au ciel, et de vastes bassins de marbre ! POUAAAAARK ! J’ai cru que j’allais mourir de frayeur ! Si je refais un cauchemar comme ça, réveille-moi s’il-te-plaît Laorinn.

Cette dernière fixa sur la démone un regard carnassier :

-          Avec grand plaisir, gnirk, gnirk, gnirk. Je saurai te rappeler cette demande…

A ce moment, vous vous souvenez de votre propre rêve, et vous vous résolvez d’en toucher deux mots aux autres serviteurs.

Quand vous eûtes fini votre récit, Rubyssa ouvrit tout grand ses yeux de feu :

-          N’empêche, je me demande ce qu’il lui veut, à Erebia, monsieur Russule.

-          Mmmh, réfléchit Laorinn. Et puis d’abord, pourquoi tu l’appelles monsieur Russule?

-          C’est un champignon de la même couleur et qui pue.

-          Ah, oui… Bon. Et bien moi, je pense qu’Erebia nous cache quelque chose, chuchota Laorinn par peur d’être entendue.

Par réflexe, tout le monde se rapprocha de la faucheuse.

-          Je ne sais pas qui est monsieur Russule pour Erebia, mais à mon avis elle sait très bien ce qu’il lui veut. Simplement, elle refuse de le voir, continua Laorinn.

-          On fouille sa chambre ? demanda Balvah.

Les autres le regardèrent comme si il avait eu une révélation.

-          Ouah ! Quelle bonne idée Balvah ! s’exclama Rubyssa. Allons visiter la chambre d’Erebia !!! En plus on a une super excuse pour rentrer à l’intérieur vu qu’on doit graisser la porte !

Bras-dessus bras-dessous, les quatre conspirateurs grimpèrent donc les marches jusqu’aux appartements de leur seigneur. Et au fur et à mesure qu’ils montaient, la température chutait. Bientôt, le froid leur glaça les orteils et les petits doigts.

-          Pouark ! Tu parles d’un lieu de repos ! Faut vraiment être un seigneur des ténèbres pour apprécier ce froid démoniaque ! ronchonna Rubyssa.

Sur ces mots, elle fit apparaître une petite flamme au creux de sa main. Puis, pour masquer le malaise ambiant, elle se mit à chantonner.

Monte, monte,

Encore, toujours,

Et ceci, nuit et jour.

Grimpe, grimpe,

Les escaliers,

Pour ne pas t'ennuyer.

Arg, t'as loupé une marche,

Bah comme ça, tu descends.

Pfou, t'as vu ce que tu craches ?

J'crois que ... c'est tes dents.

Respire, respire,

Pour éviter,

Le point de coté

Saute, saute,

Pour redescendre,

Et s'vautrer dans la cendre.

Arg, l'escalier est glissant,

Tu l'as pas vu, c'est dommage.

Pfou, ça y est, t'es pas content,

Vu qu'en bas, c'est l'carnage.

Ramasse, ramasse,

Ton dentier,

Qui est planté dans le plancher.

Et oui, et oui,

C'était mon idée,

Et oui, et oui,

Je le savais,

Et oui, et oui,

J'ai tout orchestré,

Et oui, et oui,

L'escalier, je l'ai piégé !

Et ... non, et non !

Pas frapper, pas frapper !

Bien sûr, Laorinn ne put s'empêcher de faire taire l'oratrice d'un bon coup de poing sur la tête. Tant bien que mal (et surtout mal pour Rubyssa), la petite équipée parvint jusqu’au haut portail de fer forgé qui marquait l’entrée des appartements privés du seigneur des ténèbres.

-          Comment on fait pour entrer là-dedans ? demanda Rubyssa.

-          A mon avis, il faut un sacrifice, suggéra Laorinn en jetant à la ronde un regard malsain.

-          Euh… Tu ne préfèrerais pas qu’on essaye de voir s’il y a un mot de passe ? demanda la démone, moyennement rassurée.