Mission impossible

Après être restés un bon moment devant la porte de la tour, les larbins renégats pénétrèrent dans l'imposante bâtisse.

Ils gravirent moult escaliers, franchirent tant de portes, longèrent des couloirs par centaines, traversèrent plus de salles que vous n'avez de boutons sur la figure. Et tout ça, oui, tout ça, sans s'énerver contre Rubyssa, qui hurlait de joie ou de dégoût selon les bestioles qu'ils croisèrent. C'est vrai qu'à la cinquante-et-unième fois ... cela devient lassant.

Donc, les quatre "zéros" (oui vous êtes compté dedans) arrivèrent devant une porte comparable à celle de l'entrée. Laorinn, dans un éclat d'intelligence, fonça, la faux brandie au dessus de sa tête vide, contre l'entrée obscure. En effet, pendant que la faucheuse se grillait les quelques neurones qu'il lui restait à s'obstiner à faire quelques malheureuses entailles dans le bois, vous eûtes quand même le droit de souffler et d'admirer un peu.

C'était une porte robuste, noire comme la nuit, qui s'élançait sur plusieurs mètres de hauteur et de largeur. Sur son fond d'encre, on pouvait voir des flammes bleu sombre qui semblaient se mouvoir lentement sur la surface d'obsidienne. En vous rapprochant (en évitant tout de même la faucheuse en furie) vous vîtes qu'en réalité, les flammes n'étaient autre qu'une sorte de mosaïque en joyaux d'une couleur profonde, scintillants de reflets argentés. Mine de rien, Erebia a du goût ...

Bon ... tu compte continuer comme ça longtemps ? s'impatienta la démone, qui venait de poser un gros chat gris qu'elle tenait dans ses bras.

Puisque Madame la Tir-au-flanc semble avoir une meilleure idée, elle va s'avancer et se mettre en pratique ! Parce que sinon je risque de devoir envisager de lui infliger le même sort que cette fichue porte ! Lui cria la faucheuse en montrant l'endroit ou elle frappait depuis tout à l'heure.

Hmpff ! Vu le résultat, ça me fait peur en effet ... ironisa Rubyssa

Ah ouais ? Bah tu devrais, j'vais t'apprendre comment compter tes dents la bouche fermée !

Essaye toujours, avec ta cervelle de ...

A ce moment précis, la porte s'ouvrît lentement, dans un grincement sinistre. Un personnage, d'au moins trois mètres, la peau verdâtre et balafrée, vêtu d'un pagne crade et sentant la charogne, sortit de l'embouchure, ses yeux injectés de sang pleins de reproche.

C'est quoi tout ce bruit encore ?!

... troll ... finit la rouge en se ratatinant sur elle même.

Tout le monde pâlit devant l'imposant et puant troll, d'autant qu'il était fort à parier qu'il vous écraserait d'un seul doigt, mais aussi que son odeur était vraiment insupportable.

Qu'est ce que v'faites là, vous ?! 'devirez pas êt' à l'bataille ? Rouspeta-t-il, de sa grosse voix.

Ce fût Rubyssa, contre toute attente, qui se réveilla en premier pour sauver la mise.

Aah ! Contremaître Aav Anssouj'Maure ! Je vous cherchais figurez vous ! Finalement, le Seigneur nous a renvoyé ici. Entre nous, tant mieux, c'est vraiment l'enfer là bas ! Si vous saviez la chance que vous avez d'être resté ici ...!

Ah bon ?

Mais ouii ! Même si, à mon avis, on aurait déjà gagné cette guerre depuis longtemps si vous aviez été là, mais enfin, ici c'est toujours mieux. En fait, je viens vous voir pour un conseil, vous savez, là... le couloir d'en bas ... oui oui ... eh bien ...

L'quel de couloir ?

Mais vous savez bien ! Mais en réalité, je dois le nettoyer, mais j'ai quelques problèmes avec le produit et le matériel. J'me disais que vous pourriez me renseigner puisque vous êtes expert en la matière. D'ailleur vous êtes expert en pas mal de domaines... Tiens, et bien puisque j'en suis là, vous devez vous y connaître en matière de vêtements, oui, le pagne ça va être très tendance cette année, oui, vous avez vraiment du goût, d'ailleurs vous trouvez que le rouge ça me va bien ? Oui, le rouge c'est un peu démodé, mais le démodé est à la mode en ce moment aussi, d'ailleurs je pense que la déco de certaines pièces laisse à désirer car, voyez vous ...

La discussion étant partie pour durer longtemps, la démone vous fit signe de continuer. C'était bien pensé, elle occupait le seul véritable obstacle à votre "mission".

Oui, celle que Russule avait confié à toute votre équipée. C'est-à-dire faire en sorte qu'Erebia soit coincée à un endroit particulier (ici sa salle du trône), que Russule puisse se téléporter ici, et qu'aucun larbin ne puisse venir en aide au Seigneur des Ténèbres. "Pour le reste, vous avez carte blanche" avait affirmé l'être squelettique, ce qui avait beaucoup plut aux deux filles, pour une fois d'accord.

La salle du trône en question, vous y étiez à présent. Une fine brume glacée parcourait le sol dallé. La pièce était immense, comme la porte qui en scellait l'entrée pouvait le laisser comprendre. De colossales colonnes noires se trouvaient sur les côtés, et sur elles les mêmes flammes de pierres précieuses dansaient. L'espace était éclairé par des braseros où crépitaient des feux de couleur bleu clair, un peu comme des feux follets. Sous vos pieds, un tapis rouge sanglant menait jusqu'à des marches finement ciselées. Et sur cette surélévation se trouvait le trône d'Erebia, imposant, sinistre, inquiétant ... Des piques sombres en formaient le dossier, des crâne aux yeux rougeoyants servaient d'accoudoirs ...

Un trône de Seigneur des Ténèbres très à cran sur l'effet esthétique, comme on peut l'imaginer. 

Plein de petits larbins s'affairaient ici et là, nettoyants, astiquant chaque millimètre consciencieusement, avec une application irréprochable ... enfin ... de votre point de vue.

Punaise de crotte ! J'y connais rien en magie moi ! gémit la faucheuse.

Moi je sais faire ! s'excita Balvah. Occupe toi des mécanismes des portes, je fais les pentacles ! Ce sera très parfait ! Toi, viens avec moi, tu verras comme je suis fort ! ajouta-t-il à votre intention.

Une fois Laorinn éloignée, il vous expliqua que c'était pour vous éviter de perdre votre tête et quelques membres à cause des coups de faux mal contrôlés de l'elfe sombre. Après l'avoir donc remercié, vous vous dirigiez avec lui, vers l'inqualifiable siège.